La distillation

                                                                                                                               


"C'est simplement le produit de la distillation des vins de la région de Cognac, par l’antique alambic élémentaire, puis mûri dans des fûts de chêne du Limousin. Rien d’autre."

"L’alambic en effet, est aujourd’hui le même que celui décrit par Mûnier *1 en 1779, par Lémery *2 en 1701, par Liébault *3 en 1595, celui qui était utilisé par Lulle*4 en 1300 et par Arnaud de Villeneuve *5 en 1250 ; celui des Grecs et des Egyptiens. Il n’est même pas besoin, comme le disait Lulle en 1300 de « distiller par quatre fois en la sorte qu’on prépare communément eau ardent, et encore si souvent distillé tant meilleur il sera ». Le Cognac est parfait dès le seconde chauffe.« C’est simplement le produit de la distillation des vins de la région de Cognac, par l’antique alambic élémentaire, puis mûri dans des fûts de chêne du Limousin. Rien d’autre.

« C’est un des faits les plus étranges en agriculture, dit M.F de Castella, au congrès des viticulteurs de Victoria, tenu à Melbourne en 1932, que sur toute la surface de la terre, cette région très limitée des deux départements de Charente, soit la seule capable de produire un vin qui, distillé à bas degré, puisse développer cet unique parfum, et, ce qui est encore plus remarquable, cette extraordinaire absence de toute odeur indésirable, qui est la caractéristique du véritable Cognac ».

A dire vrai, la seconde chauffe est une opération bien délicate. Elle varie suivant la force des vins, leur nature, le combustible, la saison et nécessite une très longue expérience. Elle consiste à repasser à la chaudière le produit de la première chauffe, les brouillis, dont la force n’est que de 35° environ ou même 27° dans les grands crus. Il faut en effet éliminer d’une part les premières vapeurs condensées (têtes) qui se sont enfuies trop rapidement et ont besoin de subir de nouveau l’épreuve du feu, avec le brouillis suivant ; et, d’autre part, toute la fin de la distillation (queues) à partir du moment où le liquide ne coule plus qu’à une force inférieure à 50° ou même 60°. Ces queues ou secondes, qui renferment certaines odeurs indésirables seront reversées en partie dans les brouillis suivant, en partie dans le vin à distiller. Tout le liquide qui coule entre 80 ou 85 et 50 ou 60° constitue ce qu’on appelle « la bonne chauffe » titrant de 64 à 73°. C’est le Cognac.

L’expérience montre que les autres modes de chauffage, par le bain-marie ou par la vapeur, ne donnent pas des résultats aussi satisfaisants. La « cuisson » du vin est indispensable : elle provoque la formation ou la transformation de certains éléments du bouquet qui, autrement, n’apparaîtraient pas.

De même la distillation en deux temps est nécessaire : certains aldéhydes*6 des têtes, vaporisés trop tôt, trop subtils, ont besoin d’être recuits ; ils forment alors des corps nouveaux faisant partie de l’équilibre du Cognac, corps qui ne se créent pas dans la distillation au premier jet.

Le Cognac ainsi obtenu a un parfum d’une grande délicatesse, un parfum de vigne en fleur et de vin. Il doit toutefois avoir le temps de développer lui-même ses qualités propres, il faut le laisser s’épanouir. Pour atteindre ce but, il faut le placer dans des fûts de chêne du Limousin.

Le temps fait le reste.

Le séjour dans ces barriques permet à l’eau-de-vie de se charger de certains principes de tanin auxquels elle doit quelques-unes de ses plus exquises senteurs »

Extrait du livre « Histoire du Cognac » de notre aïeul Robert Delamain, paru en 1935.

Et aujourd’hui rien n'a changé ….

*1 Etienne Mûnier est ingénieur.

*2 Nicolas Lémery (1645 – 1715), chimiste apothicaire français, contemporain du règne du roi Louis XIV.

*3 Jean Liébault (1535-1596), médecin et agronome français.

*4 Raymond Lulle (~1232 à Palma de Majorque - 1315), écrivain, philosophe, poète.

*5 Arnaud de Villeneuve (1238 – 1311) médecin et théologien, fût le 1er à distiller des vins français

*6  Un aldéhyde est un composé organique